Marie Antoine CAREME (dit Antonin)
est né à Paris dans
une baraque de chantier en 1784.
Son père, pauvre ouvrier
ayant déjà quatorze
enfants, l'abandonna en 1792 à
l'age de 8 ans.
Le destin le mena chez un humble
gargotier qui lui donna ses toutes
premières leçons culinaires.
Celui que l'on a surnommé
"le cuisinier des rois et le
roi des cuisiniers" a commencé
sa carrière dans la plus
modeste des gargotes.
Mais Carême a des dons magnifiques
qui lui permettent de s'élever
avec une rapidité prodigieuse.
Vers l'age de quinze ans, Carême
entre chez un restaurateur en qualité
d'aide de cuisine. Sa frénésie
d'apprendre, ses progrés
d'une si soudaine et si facile éclosion,
tout le désignait comme un
sujet d'une qualité exceptionnelle.
A dix sept ans il entre chez le
célèbre patissier
Bailly rue Vivienne (qui avait pour
client Mr Talleyrand chez qui il
travailla par la suite) et il devient
"premier tourtier". Le
maitre s'interesse à lui,
lui facilite ses sorties pour aller
dessiner au cabinet des estampes.
Passionné par son art, il
se voit confier la confection des
pièces montées destinées
à la table du consul. Il
exécute des pièces
extraordinaires qui provoquent l'admiration
générale.
Mais, pour parvenir là, que
de nuits sans sommeil ! Il ne s'occupe
de ses dessins et de ses calculs
qu'après neuf ou dix heures
du soir. Il travaille donc les trois
quarts de la nuit.
Carême ne séparait
pas l'architecture de la patisserie
et il a écrit cette phrase
: "les beaux arts sont au nombre
de cinq, à savoir: la peinture,
la sculpture, la poésie,
la musique et l'architecture, laquelle
a pour branche principale la patisserie."
Carême entra ensuite au service
de Mr de Lavalette dont la table
était célèbre
et qui recevait les hommes les plus
distingués de son temps dans
la politique, l'armée, les
arts, les sciences et où
il essaya de concilier l'union "de
la délicatesse, de l'ordre
et de l'économie".
Il resta douze ans chez le prince
de Talleyrand, dont la table, déclare
t il, était servie avec sagesse
et grandeur.
Ensuite Carême fut appelé
comme chef de cuisine chez le prince
régent d'Angleterre où
il resta deux années. Il
faisait chez ce prince, une gastronomie
raisonnée et saine et lui
expliquait chaque matin les propriétés
de chaque mets.
"Carême, lui dit il un
jour, vous me ferez mourrir de trop
manger, j'ai envie de tout ce que
vous me présentez et c'est
trop de tentations en vérité.
- Monseigneur, répondit Carême,
ma grande affaire est de provoquer
votre appetit par la variété
de mon service, et il ne m'appartient
pas de le régler".
Mais les brouillards anglais l'attristaient
et Carême revint en France.
Lorsque le prince régent
devenu alors le roi Georges IV réclama
de nouveau Carême, celui-ci
refusa. Il n'aimait pas Londres
où tout était sombre,
où il était privé
de ses amis et de cette conversation
française si attrayante.
Et il veut profiter des jours que
le ciel lui laissera pour terminer
ses livres.
Les souverains et les grands personnages
s'arrachent ce cuisinier qui aimait
avant tout la gloire et qui considérait
sa profession comme un sacerdoce.
Le voici à Saint-Petersbourg
avec l'empereur Alexandre, à
la cour de Vienne, à l'ambassade
d'Angleterre, au congrés
d'Aix-la-Chapelle, chez la princesse
Bagration, chez lord Stewart et
enfin chez le baron de Rothschild
où il passa plusieurs années
et dont la table fut considérée,
le temps qu'il y demeura, comme
la première d'Europe.
Mr de Rothschild qui venait d'acheter
la terre de Ferrières, lui
offrit de diriger les cuisines du
chateau en ajoutant qu'il pouvait
meme y prendre sa retraite.
Mais Carême déclina
cette offre. Sa santé était
épuisée par l'effort
incessant qu'il fournissait depuis
trente ans. Son voeu n'était
pas de finir ses jours dans un chateau
mais dans un humble logement à
Paris. De plus il estimait que sa
tache n'était pas finie.
"J'ai encore, déclarait
il, à publier un livre sur
l'état entier de ma profession
à l'époque où
nous sommes".
Il tomba gravement malade et dut
s'aliter et sa grande préoccupation
était de laisser inachevés
des travaux qu'il regardait comme
essentiels pour son art.
Il mourut à moins de cinquante
ans, le 12 janvier 1833, brulé
par la flamme de son génie
et le charbon des rotissoires. Il
employa ses derniers instants à
dicter à sa fille des notes
admirables.
La vie de Carême est un modèle
de probité et de noblesse.
L'argent ne comptait pas, seul son
art importait. Sa conception de
l'art culinaire s'accorde avec la
grandeur de son caractère.
Carême revait d'une présentation
somptueuse pour les merveilles dont
il magnifiait les tables royales.
Il avait étudié à
fond les oeuvres des architectes
classiques pour composer ses dessins
destinés aux pièces
montées.
Aujourd'hui nous ne comprenons plus
cette façon ostentatoire
de mettre la cuisine en valeur.
Nous avons banni l'apparat de nos
tables autant par hygiène
que par nécessité.
Cependant, s'il estimait que la
cuisine devait être décorative,
il professait également qu'elle
devait s'accorder avec l'hygiène.
Il écrivait dans un style
majestueux, aussi pompeux que ses
architectures patissières.
Il est mort pauvre, ne laissant
derrière lui que ses ouvrages
:
- Le maitre d'hotel français
Parallèle de la cuisine ancienne
et moderne considérée
sous le rapport de l'ordonnance
des menus à servir selon
les quatre saisons, à Paris,
à Saint-Petersbourg, à
Londres et à Vienne.
- Le patissier royal parisien
Traité élémentaire
et pratique orné de quarante
et une planches par l'auteur.
- Le cuisinier parisien
- L'art de la cuisine au XIX ème
siècle
- Le patissier pittoresque (orné
de 128 planches par l'auteur)
A la lecture de ses ouvrages, on
voit quelle haute idée Carême
se faisait de son art. Il y avait
dans son travail une érudition
rare qui montre un véritable
amour de sa profession.
Carême doit être regardé
comme le fondateur de la grande
cuisine. Ses travaux comme théoricien,
saucier, patissier, dessinateur
et auteur d'ouvrages consacrés
à la cuisine le placent à
une distance immense de tous ceux
qui l'ont précédé
dans sa carrière.